Le 8 février dernier se tenait un Webinar inédit, organisé par Le Journal du Luxe, réunissant sur le plateau de grandes maisons de la joaillerie et de l’horlogerie afin d’analyser le marché du Hard Luxury. Après avoir passé en revue les tendances du luxe en 2022, les experts ont eu l’occasion de faire le point sur l’année passée et de présenter les thèmes d’avenir. Au programme : des transformations boostées par l’arrivée de nouveaux acheteurs de montres et de diamants, l’e-commerce, l’omni-personnalisation, la circularité, l’exigence environnementale, la créativité, le no gender, les NFT et le métaverse.
Alors, comment ces métamorphoses réécrivent l’histoire du luxe hors des boutiques ?
Les enjeux digitaux post-covid
“Une croissance respective de + 24 % à +32 % en 2021, les secteurs de la joaillerie et de l’horlogerie brillent désormais d’un nouvel éclat” nous annonce le Journal du Luxe.
Des résultats dignes des plus beaux bijoux en diamants malgré un arrêt brutal de la production, de la distribution et de la vente pendant la crise sanitaire, avec pour prime la fermeture des frontières et des flux touristiques chinois.
Comme pour Sotheby’s, la quatrième maison de vente aux enchères d’objets de luxe la plus ancienne au monde, l’offre en ligne et l’expérience utilisateur sont désormais des thèmes incontournables, placés au coeur du business du Hard Luxury.
D’après Magali Teisseire, Directrice du Département bijoux et montres de Sotheby’s France : “la pandémie a accéléré drastiquement nos ventes digitales : 32 % de vente en ligne en 2019 à 70 % des ventes en ligne en 2021. Ce qui représente 800 millions de dollars pour le online”. Un nouveau mode de distribution qui séduit les moins de 40 ans. “Ils représentent 44 % des enchérisseurs.” Extrêmement sensibles à l’expérience utilisateur, ces nouveaux acquéreurs consultent les catalogues en ligne via les sites web. Les salles de vente sont désormais décorées de QR codes et les enchères se font directement sur les applications.
Il n’y a pas que les évolutions technologiques et la pandémie qui ont su faire évoluer le secteur de la joaillerie et l’horlogerie, mais aussi l’arrivée des digital natives issus de la génération Z. Des nouveaux acheteurs aux habitudes bien différentes de celles de leurs parents.
Future is now : Qui sont les nouveaux acheteurs ?
Ils sont portés par de nouvelles valeurs, peuvent acheter un diamant noir d’une valeur de 4,3 millions de dollars en crypto-monnaie, font des achats engagés et souhaitent transgresser les codes : qui sont-ils?
L’étude menée par Catchpoint dévoile 4 tribus de watchlovers. De jeunes fortunés de moins de 35 ans qui aiment tous porter une montre et la choisissent cependant avec une vision très singulière.
- Les “Darevil Héritiers” : issus de la Old Money, ces héritiers sont obsédés par le vintage, le respect et la tradition. Ils aiment la rareté et veulent la collectionner avec un goût prononcé pour l’intersection et le digital. A l’image d’Arnold Schwarzenegger et son fils, tous deux portent une montre, mais différente afin de marquer la transition. Le père choisit une Audemars Piguet, le fils une Hublot.
- Les “Young Self-made Millionaire” : ce sont les nouveaux millionaires, des stars, des entrepreneurs, des traders, des aristocrates du Web3. Pour eux, la montre est un trophée symbolisant leur réussite sociale. Ils cassent les protocoles en achetant une montre extrêmement rare en un clic sans passer par l’horloger.
- The “Woke snobiety” : le luxe est le reflet de leur engagement progressiste en terme de responsabilité sociale, économique et d’inclusion. Moins passionnelle que pour les autres tribus, la montre symbolise leur engagement. Leurs valeurs sont centrées sur l’activisme, la santé mentale et la culture.
- The “Shanghaiker” : 100 % chinois et politiquement correct. Ces lovers sont anti-bling, minimalistes et sont passionnés par l’art et eco-conscious. Ils adhèrent à la Guochao : le nationalisme chinois comme tendance à la consommation.
Quels sont les nouveaux enjeux ?
L’excellence digitale
Le CEO de Catchpoint, Mehdi Daoudi, nous rappelle qu’il y a quelques années, nous n’imaginions pas acheter une Tesla à 100 000 euros en ligne. S’il y a 15 ans l’e-commerce était proscrit dans le secteur du luxe, désormais ce canal de distribution de bijoux est incontournable.
Pour Antonio Carrero, Chief Digital and Technology Officier de Breitling : “L’e-commerce avant, c’est la cerise sur le gâteau aujourd’hui, c’est le gâteau.”
La question du genre
Spécialiste des diamants, la CEO de De Beers, Céline Assimon a remarqué qu’au fil des années les piliers de valeurs ont changé. L’imaginaire de la montre qui était originellement réservé à l’homme pilote s’est étendu au féminin. Tout comme le bijou orné de diamants est plus facilement porté par les hommes de nos jours. Il faut désormais prendre en compte cette nouvelle forme d’expression personnelle où le genre n’a plus sa place en argument.
Impact environnemental et Responsabilité Sociale
Les clients sont désormais activistes, à l’écoute et analysent les marques, ils adhèrent ou non aux valeurs portées par l’entreprise et cela sera décisif lors de leur achat.
“25 % des achats sont motivés par des valeurs environnementales, éthiques et sociétales” (Céline Assimon).
C’est pourquoi certaines marques comme Cartier, maison de haute joaillerie française, réalisent 97 % des collections joaillières et horlogères à partir d’or recyclé et divisent leur empreinte carbone de 300 %. Le Groupe Richemont l’a d’ailleurs bien compris en nommant sa première Chief Sustainability Officer pour un luxe durable. Chopard a également mis en place une politique d’approvisionnement responsable. Un virage incontournable pour le luxe qui doit faire face à ces nouvelles raisons d’achat engagées. Pour en savoir plus sur les actions menées par les maisons de luxe en faveur du développement durable, consultez notre article dédié.
Autant d’évolutions sociologiques que fondamentales auxquelles s’adaptent les marques du Hard Luxury.
Que dire alors des révolutions technologiques telles que les NFT ?
Pour Antonio Carrero de chez Breitling, “le NFT est un canal de communication spécifique auprès du client, il devient un porte-parole de la marque” et participe à l’élaboration d’une expérience personnalisée qui unie le produit physique au monde digital. C’est l’entrée dans un nouveau monde qui permet aux marques d’élargir leur écosystème et de le déployer sur toutes les plateformes en diversifiant le lien avec le client. Le prochain challenge se trouve t-il dans le métaverse ?